Accéder au contenu principal

Articles

Affichage des articles du janvier, 2012

La revanche du gibier

  Du sang sur la neige. C’était la première chose qu’on voyait en arrivant sur place. Pour tout dire, on ne voyait que ça. Une grande tache rouge sur une étendue blanche miroitant sous le soleil de midi. Pas une empreinte de pas dans un rayon de plusieurs kilomètres. Et cette nausée persistante qui revenait sans cesse. Tout à coup, elle ressentit un froid glacial pénétrer sa peau, envahir sa chair, se répandre par vagues jusque dans ses os, après avoir traversé ses nerfs en décharges électriques. Deux heures plus tôt, au même endroit, on voyait très distinctement des empreintes de pas dans la neige : un petit 38 et juste à côté la marque des raquettes incrustée dans le sol gelé. Mais il n’y avait personne pour les voir, hormis une bande de gros corbeaux … et bien sûr ceux qui venaient de les laisser. Quatre heures plus tôt, l’occupant unique du chalet le plus proche de la découverte de ce qui ressemble à une scène de crime par l’agent de police Marie Trissier, vient de rendre l’âme

La disparition de la photo

"La Disparition de la photo", une nouvelle déjà publiée dans la Revue Littéraire des éditions Léo Scheer en 2010, a trouvé une deuxième vie grâce à la voix de Sagine que je remercie une fois encore. On peut donc écouter ma nouvelle lue par elle-même sur son blog  ICI

PILOU EST MORT

Tentative de pastiche de Marie Darrieussecq, fortement inspirée par la lecture de "Truismes", "Le Bébé" et "Tom est mort".   Pilou est mort. J’écris cette phrase. Et je n’oublie pas le point. Ca fait dix mois que Pilou est mort. Dix mois maintenant.   Mon mari est agent immobilier. Ma meilleure amie est enceinte ; jusqu’aux yeux comme on dit. C’est bête mais on dit ça. Les deux faits n’ont rien à voir ; je veux dire les deux propositions « Mon mari est agent immobilier » et « Ma meilleure amie est enceinte » n’ont qu’un lien ténu, voire pas de lien du tout.    Je dis n’importe quoi, je ne devrais pas écrire ce livre, et pourtant je le fais. La mort, c’est froid. C’est Pilou qui est mort. Mais c’est moi qui ai froid. Pourquoi ? Il était rose, joufflu, sain, un bébé quoi, un beau bébé disaient les gens. En pleine santé qu’ils rajoutaient juste après. Un jour, dans un parc, un clochard a dit « on en mangerait » et il a fait semblant de mordre la joue du bébé

LA QUICHE

Tentative de pastiche d'Alain Robbe-Grillet Rien. Sinon peut-être la certitude que je suis une quiche lorraine. Mes petits lardons d’une épaisseur inférieure ou égale à trois millimètres égayent ma garniture dorée à souhait et légèrement gonflée par le désir, bien légitime pour une quiche lorraine, d’être mangée. Ma pâte brisée nargue les vol-au-vent situés à trente et un centimètres et demi du bord gauche de l’assiette plate en grès dans laquelle je repose, tandis que la salade alanguie me fait de l’œil. Je l’imagine déjà surexcitée quand Monsieur va la mélanger avec la cuillère et la fourchette en bois : elle adore être mélangée par deux couverts à la fois. Grand bien lui fasse. A ma vue, le vin rouge, situé à un angle de quarante-cinq degrés par rapport à la bissectrice de l’angle de la table, pâlit dans sa carafe et le vin blanc, sommet du triangle isocèle dont la base est marquée par la pointe des couverts de Madame, rougit dans sa bouteille et ce malgré son A.O.C. Je me sens

BIBLIOMANIE

Nouvelle écrite à quatre mains (avec un complice littéraire souhaitant garder l'anonymat) et ayant remporté le premier prix d'un concours littéraire organisé par un grand magazine culturel hebdomadaire (Les Inrocks pour ne pas le citer).   Un flot continu de rayons poussiéreux et dorés laque les longues tables, les chaises inoccupées, les étagères immenses chargées de reliures jusqu’au plafond blanc, éthéré, comme molletonné, un de ces plafonds angoissants de salle d’attente qu’on a l’impression de voir descendre, tout est calme, trop sans doute, début de sudation, penser à aller chercher mes chemises au pressing, air déjà chaud, écrasant, envoyer Philibert tout à l’heure, l’atmosphère est lourde d’assassinats en préparation, de futurs crimes de sang, de sordidité psychotique aboutissant à l’irrépa - Vot’ jambon-beurre, chef. -  La ferme, Philibert, j’enregistre ! L’inspecteur Jean-Michel Larivière éteignit d’un geste agacé le magnétophone portatif, coupé dans son soliloq

FAMILICIDE

À l’étage, j’en ai fini avec le père et ça n’a pas été une mince affaire, il y tenait à sa vie de vendeur de téléphones portables et de père de famille modèle. Définition de l’échec : avoir passé le cap des trente-cinq ans sans mari ni enfants. Diagnostic sans appel d’une maladie incurable : t’as foiré, ma cocotte, t’as foiré grave, t’as foiré le plus important et tout ce que t’as soi-disant réussi, les diplômes, les concours, la carrière, ça vaut rien, ça compensera pas, jamais, jamais t’entends jamais, t’entends ou je répète ?  Le début des hostilités date d’il y a environ 5 ans, quand à l’orée de la trentaine, je me mis à ressentir de façon insupportable la présence des poussettes, couffins et autres cris de bébés comme autant d’agressions permanentes dirigées à mon encontre. Dans la rue, au supermarché, dans les magasins de fringues, à la sécurité sociale, partout, même et surtout à la télévision, dans les publicités, les séries, les films, les jeux débiles. Il faut être le membre

LA COUVERTURE ROUGE

Tentative de pastiche de Virginia Woolf                                    J’étais arrivée en Cornouailles avec les enfants par le train du matin ; j’avais passé les deux heures du trajet le nez dans mon livre, de peur de croiser leurs regards mais, une fois sur le quai, je vis passer subrepticement dans leurs trois paires d’yeux l’ombre du regard noir de leur père. J’étais assaillie des souvenirs du pique-nique de l’année passée - le verre cassé, la nappe blanche maculée de vin, la ballon emporté par le courant du fleuve -, c’était le dernier été de James. Ce ne fut pas ma sœur Rachel ni son mari Andrew qui nous ouvrit la porte mais un jeune homme d’une vingtaine d’années, au teint maladif, au regard arrogant et scrutateur : « Vous devez être Lily, enchanté, je suis Perceval, le frère d’Andrew. Avez-vous fait bon voyage ? ». J’en voulus horriblement à ma sœur d’avoir invité quelqu’un sans m’en parler, après tout dorénavant cette maison m’appartenait aussi - c’est du moins ce que disa

Je me souviens (nouvelle inédite)

Parce que Jordy n'est pas pire que Minou Drouet et surtout parce que je suis née en 1978, année de la publication de "Je me souviens " de Geoges Perec, moi aussi je me souviens... 1. Je me souviens que quand j’étais enfant, on écoutait Dave dans la R5 rouge (puis bleue) qui nous emmenait chez nos grands-parents le dimanche après-midi.  2. Je me souviens qu’à l’école primaire on nous avait déguisé en sans-culottes pour la commémoration du bicentenaire de la Révolution en 1989. 3. Je me souviens que durant mon année de cinquième, c’était la guerre du Golfe. 4. Je me souviens de La vie, mode d’emploi. 5. Je me souviens de ma découverte de Bordeaux en 1996 : il n’y avait pas encore le tram, des clochards en haillons et pleins de crasse qu’on aurait cru tout droit sortis de romans naturalistes du XIXème siècle dans la gare Saint Jean et sous les halles du Marché des Capucins …mais il y avait déjà Juppé. 6. Je me souviens du choc ressenti en apprenant a

Bio-bibliographie (mise à jour le 23 mars 2021)

Juin 2019, soirée de lancement de la revue l'Ampoule 5, librairie Olympique, Bordeaux. Marianne Desroziers vit à Bordeaux. Elle est née par hasard, l’été 1978. Par chance, sa mère lui a transmis l’amour des livres, ouvrant ainsi une porte vers l’imagination. Merci Maman. Depuis, le vice de la lecture profondément ancré en elle, elle passe une grande partie de son temps à lire, à écrire, à observer les gens et à transmettre.  2015 : lauréate de la bourse d' é criture Aquitaine/ Hesse, elle a pass é deux mois à la Villa Clementine à Wiesbaden en Allemagne à l'aut omne 201 5. 2016 : l auréate de la bourse de résidence d'écriture accordée par La 25ème Heure du Livre/ Ville du M ans/ D.R.A.C. Pays de la Loire.   D irige la revue littéraire numérique L’Ampoul e et le collection Anthologie littéraire décadente, aux édition s de l'Abat-Jour . Bibliographie : "Lisières", Les penchants du roseau, 2012 " L'enfance cru